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sans que le jockey eût l’air de l’apercevoir. Le trajet était long : six mille mètres. Il était impossible que le cheval pût résister longtemps à une pareille allure. Le major Hatt avait raison : la tactique de Shandy devenait incompréhensible. Dès le premier tour, Tunis, essoufflé, fut obligé de ralentir son galop. Les autres poulains, sagement ménagés, regagnaient du terrain insensiblement. Maintenant, Boulet menait le train derrière son compagnon d’écurie, suivi de près par Gargouille. À la distance, après le dernier tournant, il n’y avait plus aucun doute : Tunis était battu. Le jockey de Gargouille porta son cheval au poteau d’un élan désespéré, malgré les efforts du favori, qui, semblant reprendre des forces nouvelles, s’allongeait sous la cravache de Shandy, faisant des bonds démesurés, automatiques. Boulet arrivait troisième, battu d’une longueur.

Une bordée d’injures accueillit Shandy à sa rentrée au pesage. Le public de la pelouse, plus violent encore dans l’expression de sa colère, lui lançait des mottes de terre et des cailloux, l’accusant de s’être laissé battre exprès. Le cordon d’agents avait toutes les peines du monde à le protéger. Le major Hatt était hors de lui. Sa grosse face rougeaude prenait des tons cramoisis, ses yeux brillaient fiévreusement. Il s’élança vers Shandy et lui dit à demi-voix entre les dents, se maîtrisant un peu, par peur du scandale :