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hara-kiri

Bois rayées par les troncs des grands arbres du Ranelagh. La chambre à coucher de Marguerite occupait toute l’aile droite. Elle était dans une note sombre : des murs couverts de tapisseries modernes en couleurs pâlies, un immense lit à colonnes et, dans tous les coins, des consoles, des meubles délicats, inutiles, disparaissant sous les bibelots d’ivoire, les dessins japonais, les ciselures antiques. La comtesse collectionnait, non par goût, mais par mode. Vers la gauche, deux portes-fenêtres faisaient une trouée lumineuse et donnaient de plain pied sur la serre, adaptée pour se découvrir et se transformer en terrasse aux jours chauds de l’été. Cette serre était la passion de Marguerite. Elle passait la moitié de ses journées parmi ses feuillages immobiles, dans son atmosphère capiteuse. Dès l’entrée, on voyait un fouillis, une profusion de verdures, par dessus lesquelles retombaient les palmes des lataniers et montaient droit vers le vitrage les troncs élancés des diplogottis et des quercus. Il y avait encore, mêlant leurs feuilles, des ficus métalliques, des cycas semblables à des fougères gigantesques, avec un tronc de palmier, un dracæna de Madagascar dont les tiges serpentines s’entortillaient sous les folioles lancéolées. Et dans toute cette verdure, sous les vanilles grimpantes, entre les feuilles en velours rayé des calathea, des begonias et des rhododendrons fleurissaient