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dessert extrêmement modeste. Un monsieur bien mis, l’air distingué, répondant à une question de Flora, parlait à haute voix, de la petite table. À demi tourné vers la grosse bande, il narrait de son timbre flexible, très bien, sans interruption, sans embarras, émaillant d’anecdotes gentilles sa causerie. Sa longue barbe, finement blonde, divisée en deux pointes, ses yeux bleus, ses cheveux romantiques, rappelèrent à Fidé des souvenirs. Il interrogea Houdart.

— C’est un poète, Tibulle Mosès. Tu as dû le voir aux premières. Il est marié avec la fille de Bergier, l’écrivain célèbre ; mais sa femme étant bas-bleu, il y a longtemps qu’ils se sont séparés d’accord tacite. Il écrit dans plusieurs journaux, collabore à des pièces et publie des volumes qui se vendent peu… Il a élevé l’art de faire des dettes à la hauteur d’un principe… Il vient assez rarement ici. Son voisin, ce grand jeune homme brun, d’aspect étrange, avec des cheveux immenses et une large bouche, est un journaliste presque débutant, un vrai Lucien de Rubempré… René Maulcerf ; tu dois le connaître de nom… C’est un des dix mille méridionaux qui arrivent annuellement sur l’asphalte dans l’espoir de conquérir Paris… Je le déteste à cause de son égoïsme, mais je demeure en de bons termes avec lui parce qu’il peut être à la fois dangereux et utile… C’est, je crois, la première fois qu’il vient ici… Mosès l’a