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embrasé. On eût dit une fournaise gigantesque qu’agitait un démon pour en faire jaillir des étincelles infernales. Un feu d’artifice, au pied même de la butte, envoyait ses fusées juste en face des fenêtres du moulin. Là-bas, sur l’Arc de triomphe de l’Étoile, un autre balançait dans les airs les grands bras éblouissants de ses appareils pyrotechniques, éclairant par intervalles d’une clarté lugubre la silhouette gigantesque de l’arc triomphal. La jeune femme s’enhardissait dans l’observation du spectacle magique ; tournant les yeux, par instants ; elle prenait plaisir à contempler les découpures fantastiques des maisons de Montmartre qui se détachaient sur l’horizon flamboyant et s’étageaient en teintes diversement foncées ; puis, tout autour du moulin, la grande tache sombre, dénudée, semblant un coin échappé à l’incendie qui dévorait Paris.

Le prince remplissait les verres de vin couleur de rubis. Quelquefois, à sa prière, Juliette buvait machinalement, et, sous l’action de ce mélange étourdissant d’alcools, de bruit et de flammes, elle sentait tout de même la tête lui tourner un peu. Tout à coup, dans un moment où les fusées étaient suspendues, les sons affaiblis de musiques éloignées, mêlés aux résonnances de la cité, montèrent en harmonies douces aux fenêtres du moulin. Ébranlée par ces sensations, la jeune