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alignées, bordées de maisons en bois et en briques, et enfin la ville japonaise, s’unissaient pour former une seule cité coquette, avec ses assises étagées. Les hommes, puis les constructions paraissaient comme des points. Et bientôt, par-dessus l’île de Yokohama, dont les contours semblaient se rapetisser, se dessinaient dans de lointaines perspectives, les blocs moutonnants du rivage, recouverts d’une végétation puissante. Le paquebot, glissant sur les lames avec rapidité, gagnait le milieu du golfe de Yedo et les paysages variaient, se multipliaient des deux côtés, à mesure que fuyait le chenal.

Fidé, appuyé sur un bastingage, se sentait envahir par une tristesse immense. Alors lui apparaissaient, avec une intensité singulière, les douceurs, les joies de la patrie et les incertitudes de l’avenir, et, dans le flou de ses pensées, quelques légers incidents de son enfance, surgissant par hasard, prenaient une importance exagérée, amenant des ressouvenirs attendris.

Avidement, il fixait ses regards sur la côte fuyante, où venait de disparaître Yokohama. Bientôt le paquebot passait devant l’île d’Ohosima et s’avançait en plein Océan. Le Japon tout entier, noyé dans l’espace brumeux et caché en partie par la courbure des mers, se révélait seulement comme une tache, énorme d’abord, puis, d’instant en instant, moins visible. Enfin, elle