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nuait son rêve, avec une intensité de désir dans laquelle la vision des choses champêtres tenait autant de place que le souvenir de Solange, et se mêlait à lui inséparablement. Il ne souffrait plus, maintenant, il demeurait plongé dans une morbidesse où l’entretenaient la caresse légère du soleil et le rapide défilé des équipages. Les tableaux qu’il voyait n’avaient pas des contours définis, mais ils se composaient tous, comme une obsession, d’eau argentine courant se précipiter de cascatelles en cascatelles, frôlant l’oreille de son murmure et chatouillant l’œil de ses miroitements. Tout autour, au loin, il y avait des étendues vertes, avec un bourdonnement de bêtes minuscules et des taches rouges et blanches de fleurs épanouies. Encore, fuyaient de grandes plaques lumineuses sur lesquelles le soleil étalait ses rayons, et aussi des coins d’ombre où poussaient les mousses fraîches.

Ce n’était pas la première fois que Taïko-Fidé, élevé en pleine campagne, avait cette sorte de vision nostalgique, depuis qu’il vivait enfermé dans les horizons bornés des villes. Il ne savait pourquoi, même, elle lui revenait souvent, l’hiver, sous les engourdissements de la chaleur, auprès du brasier étouffant. Mais jamais elle ne s’était emparée de lui aussi complètement, jamais il n’avait trouvé dans ce rêve simple autant de douceur attendrie.