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froides, restes de l’hiver, et des tiédeurs humides de serre-chaude, annonçant le printemps prochain. Le vent ne soufflait pas et pourtant, les pointes encore rigides des marronniers frissonnaient, agitant leurs bourgeons, comme mues par la poussée active de la sève. Cette journée de froid sec succédant à une semaine pluvieuse, les promeneurs avaient envahi les Champs-Élysées. Toute la nursery patricienne des hôtels voisins prenait ses ébats : sur les chaises, des bandes de nourrices aux bonnets blancs, aux larges rubans de couleurs voyantes, jacassaient entre-elles et, tout autour, les petites filles échangeaient des saluts demi-cérémonieux, bienséants, avant de jouer à la toupie, tandis que les marmots plus jeunes, moins imbus de politesse aristocratique, grattaient la terre à pleines mains et se versaient très joyeusement du sable dans les oreilles. Sous la surveillance inquiète des mères, les bonnes, de nationalités diverses, interpellaient vivement les petits en des langages cacophoniques, et de nombreuses familles britanniques se distinguaient par la roseur des joues, le disgracieux du costume et la raideur du maintien. Autour des baraques, un public de bébés admiratifs et de badauds rangés en cercle, se tordait de rire quand, à l’encontre de toutes les règles sociales, Guignol assommait les gendarmes et rossait le commissaire. Plus loin, dans un renfonce-