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déraient la femme comme l’accessoire d’un portefeuille bien garni ! Ce n’était pas vrai pour le prince millionnaire, assurément. Mais aussi, un Japonais ! un Oriental, enfant d’une nation à demi-sauvage ! N’était-ce pas extravagant, de mêler à la fois dans son esprit un amour possible et cette figure jaunâtre, reconnaissable toujours, malgré son vernis de parisianisme, à certaines taches indélébiles. Pourtant, il la chérissait, elle n’en pouvait douter lorsque vibrait encore à son oreille cet accent passionné, ces paroles si doucement persuasives… Je vous aime. Il lui semblait entendre répéter cet hymne de jeunesse et de beauté, cette synthèse des élans de l’adolescence. Mais elle-même ?… Non, sûrement, elle ne l’aimait pas, elle ne pouvait pas l’aimer. Cela eut été ridicule entièrement. Elle avait cependant regret d’employer ce mot cruel… L’amour peut-il donc être ridicule ? Elle comprenait, maintenant. L’aveu de Fidé répondait à l’état de son esprit. Il avait remué en elle tout un monde d’amertumes, de regrets, de découragements. Voilà pourquoi elle se sentait troublée.

C’est cela. Elle se lassait de cette vie insipide, sévèrement réglée, sans but et sans affection qui la faisait, elle la noble, riche et belle enfant, plus déshéritée qu’une ouvrière. Au couvent, où on l’avait mise de bonne heure, son intelligence naturellement vive et pétulante était comprimée