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ils allaient par ce chemin de fer qui avait tant effrayé le vieux Taïko-Naga à Yokohama, la ville cosmopolite, Fidé, qui commençait à baragouiner les langues du vieux monde, aimait à parler aux officiers français et anglais. Maintes : fois, entraînés par ces marins, heureux de toucher terre après un long voyage, ils s’enivraient avec eux et, la tête pleine encore des fumées du saki capiteux, entraient dans les bateaux de fleurs. Là, en dépit des conseils du vieux samouraï, ils se divertissaient à voir sauter et tourner, en jouant du samsin criard, les danseuses légères aux costumes multicolores et aux rondes vertigineuses.

L’animation gagnant les esprits échauffés, on leur faisait mimer le chiri-fouri, la danse aux poses lascives, aux phrases rythmées et composées à la suite, séance tenante, émaillées de bons mots qui découvraient les dents, dans un rire communicatif. Alors Fidé, oubliant les vertus vantées des samouraïs ses aïeux et le droit et la haine des todjins, s’égarait avec quelque belle danseuse dans les bosquets de poiriers fleuris où il goûtait les plaisirs de l’amour aux sons des musiques adoucies, tandis que brillaient au loin les transparences bizarres des lanternes aux mille couleurs.

Partout et toujours, à propos des moindres choses, Durand dépeignait à son ami les mer-