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hara-kiri

Nous sommes cousins et ma famille les connaît beaucoup. Elles habitent la rue de Lille. Il faudra que je vous mène par là. C’est majestueux, très chic. Par exemple on y meurt d’ennui…

Ils entrèrent. Par la petite porte de droite, environnée d’équipages et de distributeurs de réclames, les gens s’engouffraient sous l’œil atone des sergents de ville. Dans les salles du haut, la chaleur était étouffante. Le parquet n’avait pas été arrosé, et, depuis midi, la foule se pressait. C’était, dans les vastes salles tapissées de toiles dont les tonalités crues attiraient les yeux, un va-et-vient continuel, un sourd brouhaha de paroles dîtes à voix basse, sur lesquelles tranchaient les exclamations de rapins qui s’appelaient pour se montrer des toiles. Dans la foule mélangée passaient des élèves de l’École, bruyants comme en un jour de fête, bêcheurs de réputations, admirateurs de hardiesses, des peintres arrivés, plus graves, avec des nuances de fantaisie dans la correction de leurs vêtements, des critiques d’art, solennels, pontifiant au milieu des groupes respectueux, des femmes du monde, en grande toilette comme pour une première. De temps à autre, les jolies mondaines posaient sur leur nez un binocle pour se donner l’air connaisseur, puis, bientôt, lassées de cette comédie, elles se retournaient, promenaient dans les salles un œil investigateur et échangeaient, sur le compte des toilettes, des