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garçons de bureaux, gens grossiers et appréciateurs du positif, se montrèrent d’un accommodement moins facile. À bout de patience, ils vinrent un matin trouver Estourbiac, réclamant énergiquement leurs gages d’un ton assez peu conciliant. Vainement M. le directeur leur représenta qu’ils avaient sur le dos des livrées magnifiques — achetées à crédit — et que cela devait être considéré comme une avance. Séance tenante, ils se déshabillèrent et exigèrent leur argent. Estourbiac, à bout d’arguments, dut vider la caisse et ils partirent avec des costumes d’emprunt. Tous les bureaux de rédaction de Paris surent le fait deux heures plus tard et on en fit des gorges chaudes. Heureusement le directeur mit la main sur deux nègres, anciens esclaves amenés en France par un explorateur africain de ses amis, et leur fit endosser les livrées abandonnées.

Cette organisation invraisemblable tint pendant trois mois, Un beau jour, il y eut des tiraillements, des bruits transpirèrent, les créanciers arrivèrent avec leurs notes : l’imprimeur, le tapissier, le propriétaire. C’était un effondrement, Le Boulevard fut tué du coup.

Estourbiac réussit pourtant à se tirer à peu près intact de cette mauvaise affaire. Mais il avait perdu sa place permanente au Rabelais et il pouvait craindre que ses autres espérances fussent écroulées en même temps.