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de rassembler ses idées. Lentement, elle lança autour d’elle un regard circulaire. Sur un canapé aux nuances passées, Otto Wiener était vautré, les jambes en l’air, la tête appuyée sur le dos de Manieri qui pressait dans ses bras les charmes énormes de Timonnier, avachie sous un sommeil de lourde ivresse. Valterre et Léa dormaient, se faisant vis-à-vis sur la table, au milieu des verres renversés et des assiettes reculées. Sosthène Poix, très habitué à ces noces de nuit après lesquelles il travaillait d’ordinaire, écrivassait toujours dans son coin, se cognant le front par instants et se versant d’énormes rasades cognac pour activer l’inspiration.

Juliette et le prince Ko-Ko n’étaient plus là… Où pouvaient-ils être ?… C’est une des premières choses que se demanda Cora, déjà soupçonneuse, lorsqu’elle eut fait machinalement l’inventaire des noceurs. Il n’y avait pas à en douter, ils étaient partis… ensemble, probablement. Elle se rappelait vaguement certains regards… Nerveuse, elle s’approcha de Sosthène Poix et lui frappant sur l’épaule :

— Où sont-ils ?

Il la regarda d’un air ahuri.

— Où sont-ils ? répéta-t-elle, avec un regard clair…

— Ils sont sur le pont des Soupirs, et le doge…