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guës aux bijoux des danseuses. Dans tous les coins de la salle, des gens en habit, en domino où en oripeaux bizarres se promenaient, l’air très calme, parfois ennuyé, quelques-uns paraissant avoir le respect de leur costume. D’autres, pleins d’illusions, se démenaient frénétiquement au milieu d’un cercle de badauds, esquissant des pas hasardeux, comme pris d’une soudaine folie. Parmi eux circulaient des bourgeois en polichinelle ou en pierrot, venus là pour « intriguer », et qui allaient ensuite souper en cabinet particulier afin de se dédommager des longs mois de banalité conjugale.

Les deux amis n’en étaient plus à croire aux bals de l’Opéra. Comme tant d’autres, ils allaient là par habitude, parce qu’il faut bien aller quelque part. Traversant péniblement la foule houleuse, jouant des coudes, ils montèrent à la loge qu’ils avaient fait retenir. L’ouvreuse entre-bâilla la porte avec une mine discrète, Valterre entra le premier.

— Bon ! une femme ! s’écria-t-il.

Dans le salon de la loge qu’emplissait une douteuse clarté, une femme dormait ou feignait de dormir, étendue sur une chaise longue de velours grenat. Elle avait l’attitude molle et abandonnée d’une personne qui, ne craint pas d’être observée, sûre qu’on ne la dérangera pas, et cette pose faisait merveilleusement valoir une gorge et un