Page:Alhaiza, Cybèle, voyage extraordinaire dans l'avenir, Georges Carré, 1904.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
CYBÈLE

plus noire encore qui s’étendait le long de la haute rangée d’ifs sombres du fond du jardin. Entre le faîte de cette obscure muraille végétale et le faîte des maisons, il y avait place pour une belle étendue de ciel où les étoiles scintillantes semblaient défier la pâle lumière qu’émettait l’arc brillant d’une lune commençant à peine son premier quartier. Il faut croire que Marius continuait à se plaire dans sa méditation nocturne, car s’arrêtant de marcher, il s’assit sur un de ces grands bancs à dossier confortable que le goût moderne a introduits un peu partout, dans nos jardins aussi bien que sur nos promenades publiques.

Un silence profond, à peine distrait par un lointain coassement de rainettes régnait alentour. Dans la maison tout dormait excepté Marius et excepté aussi ce brave Houzard qui vint sans bruit se coucher discrètement aux pieds de son maître. Il sembla pourtant un moment venir de là-bas quelques notes adoucies d’une musique bien connue de l’amoureux sans doute, car il prêta l’oreille aussitôt. C’étaient les premiers accords de la tendre mélodie de Mireille :

Mon cœur ne peut changer ;
Souviens-toi que je t’aime,

notes fugitives qui venaient de s’envoler de la chambrette close de Jeanne, laquelle de son côté