Page:Alhaiza, Cybèle, voyage extraordinaire dans l'avenir, Georges Carré, 1904.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
CYBÈLE

On entendit un soupir navré qui fit tourner les têtes du côté de la cuisine. C’était la brave Martine qui, écoutant, elle aussi, debout dans le chambranle de la porte ouverte, se criblait la face de signes de croix.

— Heureusement, nous avons soixante siècles devant nous, dit en souriant M. Foulane. Nous pouvons donc cette nuit encore dormir sur nos deux oreilles.

— Pour l’humanité, soixante siècles ne sont pas un si long espace de temps, reprit Numa. Vous êtes-vous jamais dit qu’un petit défilé de cinq ou six douzaines d’existences de vieillards mises à la suite l’une de l’autre, suffit à combler toute la durée qui nous sépare du dernier déluge ?

Cette digression un peu longue et assez hors de saison à la veille de la fête de famille qui se préparait, s’arrêta à cette conclusion de Marius

— D’ici à six mille ans, les hommes auront réalisé de tels progrès qu’ils sauront bien endiguer le prochain déluge ou lui échapper de quelque manière ingénieuse.

Les dames se levèrent et se disposèrent à rentrer au logis accompagnées des deux jeunes gens, l’heureuse Mme Honorat s’appuyant sur le bras de son fils, et la non moins heureuse Jeanne serrée contre son Saucé qui la reconduisait pour la dernière fois à sa demeure de jeune fille.