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CYBÈLE

nos mœurs pour qu’il ne suffise de la simple connaissance d’un délit ou d’un dissentiment quelconque pour que son redressement s’impose aussitôt à tout le monde avec le même esprit d’équité. La profession d’avocat a d’ailleurs disparu avec les progrès de l’éducation générale, plaignants ou accusés s’entendant parfaitement à défendre leur cause sans ce coûteux intermédiaire qui n’influence plus aucun tribunal. Il ferait beau voir aujourd’hui un de vos aigles du barreau s’évertuer des heures durant pour tenter d’arriver, et réussir en effet, à faire acquitter un criminel avéré, à conquérir l’indulgence des juges pour tel concussionnaire de haut vol, pour tel industriel qui a gagné de l’argent à vendre des denrées homicides, ou même, comme cela s’est vu, à spéculer sur les moyens de défense de la patrie, au prix de la vie de vos soldats et de la défaite de vos armées démunies et mises nu-pied avec leurs souliers de carton.

La vieille Thémis ne menace plus d’impuissants justiciables, de sa fausse balance et de sa lourde épée, et nous l’avons même guérie de cette fameuse claudication qui lui a fait si longtemps traîner la jambe. La justice est gratuite et partant désintéressée et expéditive. Ce qui a été enlevé et mis au rebut de l’arsenal de ses vieilles lois n’est pas croyable ; c’est au point que ce mot de justice n’a plus chez nous qu’une acception : celle de son