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peu à peu vers le centre de la place. En vain faisaient-ils bondir leurs chevaux dans la foule, elle les pressait de ses flots croissants. Une demi-heure se passa dans cette lutte, où la garde reculait toujours vers le bûcher, qu’elle cachait en se resserrant.

— Avançons, avançons, disait un homme, nous le délivrerons ; ne frappez pas les soldats, mais qu’ils reculent : voyez-vous, Dieu ne veut pas qu’il meure. Le bûcher s’éteint ; amis, encore un effort. — Bien. — Renversez ce cheval. — Poussez, précipitez-vous.

La garde était rompue et renversée de toutes parts, le peuple se jette en hurlant sur le bûcher ; mais aucune lumière n’y brillait plus : tout avait disparu, même le bourreau. On arrache, on disperse les planches : l’une d’elles brûlait encore, et sa lueur fit voir sous un amas de cendre et de boue sanglante une main noircie, préservée du feu par un énorme bracelet de fer et une chaîne. Une femme eut le courage de l’ouvrir ; les doigts serraient une petite croix d’ivoire et une image de sainte Madeleine.

— Voilà ses restes, dit-elle en pleurant.

— Dites les reliques du martyr, répondit un homme.