Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fondément en répétant aussi ce signe sacré. — Oui, messeigneurs, dit-il en s’adressant aux juges, on a reconnu et déposé devant vous ce bouquet de roses blanches et ce manuscrit signé du sang du magicien, copie du pacte qu’il avait fait avec Lucifer, et qu’il était forcé de porter sur lui pour conserver sa puissance. On lit encore avec horreur ces paroles écrites au bas du parchemin : La minute est aux enfers, dans le cabinet de Lucifer.

Un éclat de rire qui semblait sortir d’une poitrine forte s’entendit dans la foule. Le président rougit, et fit signe à des archers, qui essayèrent en vain de trouver le perturbateur. Le rapporteur continua :

— Les démons ont été forcés de déclarer leurs noms par la bouche de leurs victimes. Ces noms et leurs faits sont déposés sur cette table : ils s’appellent Astaroth, de l’ordre des Séraphins ; Easas, Celsus, Acaos, Cédron, Asmodée, de l’ordre des Trônes ; Alex, Zabulon, Cham, Uriel et Achas, des Principautés, etc. ; car le nombre en était infini. Quant à leurs actions, qui de nous n’en fut témoin ?

Un long murmure sortit de l’assemblée ; on imposa silence, quelques hallebardes s’avancèrent, tout se tut.

— Nous avons vu avec douleur la jeune et respectable supérieure des Ursulines déchirer son sein de ses propres mains et se rouler dans la poussière ; les autres sœurs, Agnès, Claire, etc., sortir de la modestie de leur sexe par des gestes passionnés ou des rires immodérés. Lorsque des impies ont voulu douter de la présence des démons, et que nous-mêmes avons senti notre conviction ébranlée, parce qu’ils refusaient de s’expliquer devant des inconnus, soit en grec, soit en arabe, les révérends pères nous ont raffermi en daignant nous expliquer que, la malice des mauvais esprits étant extrême, il n’était pas surprenant qu’ils eussent feint cette ignorance pour être moins pressés de questions ; qu’ils avaient même fait, dans