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gieuses, des actrices déhontées ; plus de cent personnes acharnées contre le curé s’étaient compromises dans l’espoir de le perdre ; leur conjuration, loin de se dissoudre, a repris des forces par son premier échec : voici les moyens que ses ennemis implacables ont mis en usage.

Connaissez-vous un homme appelé l’Éminence grise, ce capucin redouté que le Cardinal emploie à tout ; consulte souvent et méprise toujours ? c’est à lui que les capucins de Loudun se sont adressés. Une femme de ce pays et du petit peuple, nommée Hamon, ayant eu le bonheur de plaire à la reine quand elle passa dans ce pays, cette princesse l’attacha à son service. Vous savez quelle haine sépare sa cour de celle du Cardinal, vous savez qu’Anne d’Autriche et M. de Richelieu se sont quelque temps disputé la faveur du roi, et que, de ces deux soleils, la France ne savait jamais le soir lequel se lèverait le lendemain. Dans un moment d’éclipse du Cardinal, une satire parut, sortie du système planétaire de la Reine ; elle avait pour titre la Cordonnière de la reine mère ; elle était bassement écrite et conçue, mais renfermait des choses si injurieuses sur la naissance et la personne du Cardinal, que les ennemis de ce ministre s’en emparèrent et lui donnèrent une vogue qui l’irrita. On y révélait, dit-on, beaucoup d’intrigues et de mystères qu’il croyait impénétrables ; il lut cet ouvrage anonyme et voulut en savoir l’auteur. Ce fut dans ce temps même que les capucins de cette petite ville écrivirent au père Joseph qu’une correspondance continuelle entre Grandier et la Hamon ne leur laissait aucun doute qu’il ne fût l’auteur de cette diatribe. En vain avait-il publié précédemment des livres religieux de prières et de méditations dont le style seul devait l’absoudre d’avoir mis la main à un libelle écrit dans le langage des halles ; le Car-