tendre vers lui, et quelques-uns n’étaient pas sans armes ; mais il ne répondit à aucun signe ; il baissa les yeux, ne voulant pas perdre ceux qui l’aimaient, et leur communiquer par un coup d’œil la contagion de l’infortune. C’était Urbain Grandier.
Tout à coup la procession s’arrêta à un signe du dernier homme qui la suivait et qui semblait commander à tous. Il était grand, sec, pâle, revêtu d’une longue robe noire, la tête couverte d’une calotte de même couleur ; il avait la figure d’un Basile, avec le regard de Néron. Il fit signe aux gardes de l’entourer, voyant avec effroi le groupe noir dont nous avons parlé, et que les paysans se serraient de près pour l’écouter ; les chanoines et les capucins se placèrent près de lui, et il prononça d’une voix glapissante ce singulier arrêt :
« Nous, sieur de Laubardemont, maître des requêtes étant envoyé et subdélégué, revêtu du pouvoir discrétionnaire relativement au procès du magicien Urbain Grandier, pour le juger sur tous les chefs d’accusation, assisté des révérends pères Mignon, chanoine ; Barré, curé de Saint-Jacques de Chinon ; du père Lactance et de tous les juges appelés à juger icelui magicien ; avons préalablement décrété ce qui suit : Primo, la prétendue assemblée de propriétaires nobles, bourgeois de la ville et des terres environnantes est cassée, comme tendant à une sédition populaire ; ses actes seront déclarés nuls, et sa prétendue lettre au roi contre nous, juges, interceptée et brûlée en place publique, comme calomniant les bonnes Ursulines et les révérends pères et juges. Secundo, il sera défendu de dire publiquement ou en particulier que les susdites religieuses ne sont point possédées du malin esprit, et de douter du pouvoir des exorcistes, à peine de vingt mille livres d’amende et punition corporelle.