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hautes maisons qui les couvraient alors, quelques bourgeois paisibles, attirés par la curiosité. Deux jeunes gens enveloppés dans des manteaux furent jetés l’un contre l’autre et se reconnurent à la lueur d’une torche placée au pied de la statue de Henry IV, nouvellement élevée, sous laquelle ils se trouvaient.

— Quoi ! encore à Paris, monsieur ? dit Corneille à Milton ; je vous croyais à Londres.

— Entendez-vous ce peuple, monsieur ? l’entendez-vous ? quel est ce refrain terrible :

 
Les Rois sont passés ?


— Ce n’est rien encore, monsieur ; faites attention à leurs propos.

— Le Parlement est mort, disait l’un des hommes, les seigneurs sont morts : dansons, nous sommes les maîtres ; le vieux Cardinal s’en va, il n’y a plus que le Roi et nous.

— Entendez-vous ce misérable, monsieur ? reprit Corneille ; tout est là, toute notre époque est dans ce mot.

— Eh quoi ! est-ce là l’œuvre de ce ministre que l’on appelle grand parmi vous, et même chez les autres peuples ? Je ne comprends pas cet homme.

— Je vous l’expliquerai tout à l’heure, lui répondit Corneille : mais, avant cela, écoutez la fin de cette lettre que j’ai reçue aujourd’hui. Approchons-nous de cette lanterne, sous la statue du feu roi… Nous sommes seuls, la foule est passée, écoutez :


«…C’est par l’une de ces imprévoyances qui empêchent l’accomplissement des plus généreuses entreprises que nous n’avons pu sauver MM. de Cinq-Mars et de Thou. Nous eussions dû penser que, préparés à la mort