vrai qu’il ne m’aimait pas ; car enfin, s’il m’avait aimée, d’abord il eût renoncé à une entreprise qui me faisait tant de peine, comme je le lui avais dit ; je me rappelle même, ce qui est bien plus fort, ajouta-t-elle d’un air important et même solennel, que je lui dis qu’il serait rebelle ; oui, madame, rebelle, je le lui dis à Saint-Eustache. Mais je vois que Votre Majesté avait bien raison : je suis bien malheureuse ! il avait plus d’ambition que d’amour.
Ici une larme de dépit s’échappa de ses yeux et roula vite et seule sur sa joue, comme une perle sur une rose.
— Oui, c’est bien certain… continua-t-elle en attachant ses bracelets ; et la plus grande preuve, c’est que depuis deux mois qu’il a renoncé à son entreprise (comme vous m’avez dit que vous l’aviez fait sauver), il aurait bien pu me faire savoir où il s’est retiré. Et moi, pendant ce temps-là, je pleurais, j’implorais toute votre puissance en sa faveur ; je mendiais un mot qui m’apprit une de ses actions ; je ne pensais qu’à lui ; et encore à présent je refuse tous les jours le trône de Pologne, parce que je veux prouver jusqu’à la fin que je suis constante, que vous-même ne pouvez me faire manquer à mon attachement, bien plus sérieux que le sien, et que nous valons mieux que les hommes ; mais, du moins, je crois que je puis bien aller ce soir à cette fête, puisque ce n’est pas un bal.
— Oui, oui, ma chère enfant, venez vite, dit la Reine, voulant faire cesser ce langage enfantin qui l’affligeait, et dont elle avait causé les erreurs ingénues ; venez, vous verrez l’union qui règne entre les princes et le Cardinal, et nous apprendrons peut-être quelques bonnes nouvelles.
Elles partirent.