— Messieurs, cela me semble bien rude ; un homme de mon âge et de ma condition ne devrait pas être sujet à toutes ces formalités. J’ai tout dit et je dirai tout encore. Je prends la mort à gré et de grand cœur : la question n’est donc point nécessaire. Ce n’est point à des âmes comme les nôtres que l’on peut arracher des secrets par les souffrances du corps. Nous sommes devenus prisonniers par notre volonté et à l’heure marquée par nous-mêmes ; nous avons dit seulement ce qu’il vous fallait pour nous faire mourir, vous ne sauriez rien de plus ; nous avons ce que nous voulons.
— Que faites-vous, ami ? interrompit de Thou ?… Il se trompe, messieurs ; nous ne refusons pas le martyre que Dieu nous offre, nous le demandons.
— Mais, disait Cinq-Mars, qu’avez-vous besoin de ces tortures infâmes pour conquérir le ciel ? vous, martyr déjà, martyr volontaire de l’amitié ! Messieurs, moi seul je puis avoir d’importants secrets : c’est le chef d’une conjuration qui la connaît ; mettez-moi seul à la question, si nous devons être ici traités comme les plus vils malfaiteurs.
— Par charité, messieurs, reprenait de Thou, ne me privez pas des mêmes douleurs que lui ; je ne l’ai pas suivi si loin pour l’abandonner à cette heure précieuse, et ne pas faire tous mes efforts pour l’accompagner jusque dans le ciel.
Pendant ce débat, il s’en était engagé un autre entre Laubardemont et Joseph ; celui-ci, craignant que la douleur n’arrachât le récit de son entretien, n’était pas d’avis de donner la question ; l’autre, ne trouvant pas son triomphe complété par la mort, l’exigeait impérieusement. Les juges entouraient et écoutaient ces deux ministres secrets du grand ministre ; cependant, plusieurs choses leur ayant fait soupçonner que le crédit du capucin était plus puissant que celui du juge, ils penchaient