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suivaient eussent passé ; ils étaient remplis de noblesse et de soldats bien armés.

« En après venait le bateau de Son Éminence, à la queue duquel était attaché un petit bateau dans lequel étaient MM. de Thou et de Cinq-Mars ; gardés par un exempt des gardes du roi et douze gardes de Son Éminence. Après les bateaux venaient trois barques où étaient les hardes et la vaisselle d’argent de Son Éminence, avec plusieurs gentilshommes et soldats.

« Sur le bord du Rhône, en Dauphiné, marchaient deux compagnies de chevau-légers, et autant sur le bord du côté du Languedoc et Vivarais ; il y avait un très-beau régiment de gens de pied qui entrait dans les villes où Son Éminence devait entrer ou coucher. Il y avait plaisir d’ouïr les trompettes qui jouaient en Dauphiné avec les réponses de celles du Vivarais, et les redits des échos de nos rochers ; on eût dit que tout jouait à mieux faire. »


Au milieu d’une nuit du mois de septembre 1642, tandis que tout semblait sommeiller dans l’inexpugnable tour des prisonniers, la porte de leur première chambre tourna sans bruit sur ses gonds, et sur le seuil parut un homme vêtu d’une robe brune ceinte d’une corde, ses pieds chaussés de sandales, et un paquet de grosses clefs à la main : c’était Joseph. Il regarda avec précaution sans avancer, et contempla en silence l’appartement du grand Écuyer. D’épais tapis, de larges et splendides tentures voilaient les murs de la prison ; un lit de damas rouge était préparé, mais le captif n’y était pas ; assis près d’une haute cheminée, dans un grand fauteuil, vêtu d’une longue robe grise de la forme de celle des prêtres, la tête