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en Cercles, sous la dictature annuelle d’un chef ; le sceau de cet État projeté y était joint représentant un ange appuyé sur une croix, et tenant à la main la Bible, qu’il élevait sur son front. À côté était une liste des cardinaux que le Pape avait nommés autrefois le même jour que l’évêque de Luçon (Richelieu). Parmi eux se trouvait le marquis de Bédémar, ambassadeur et conspirateur à Venise.

Louis XIII épuisait en vain ses forces sur des détails d’une autre époque, cherchant inutilement les papiers relatifs à la conjuration, et propres à lui montrer son véritable nœud et ce que l’on avait tenté contre lui-même, lorsqu’un petit homme d’une figure olivâtre, d’une taille courbée, d’une démarche contrainte et dévote, entra dans le cabinet : c’était un secrétaire d’État, nommé Desnoyers ; il s’avança en saluant :

— Puis-je parler à Sa Majesté des affaires du Portugal ? dit-il.

— D’Espagne, par conséquent, dit Louis ; le Portugal est une province d’Espagne.

— De Portugal, insista Desnoyers. Voici le manifeste que nous recevons à l’instant. Et il lut :

« Don Juan, par la grâce de Dieu, roi de Portugal, des Algarves, royaumes deçà l’Afrique, seigneur de la Guinée, conqueste, navigation et commerce de l’Esthiopie, Arabie, Perse et des Indes… »

— Qu’est-ce que tout cela ? dit le Roi ; qui parle donc ainsi ?

— Le duc de Bragance, roi de Portugal, couronné il y a déjà une… il y a quelque temps, Sire, par un homme appelé Pinto. À peine remonté sur le trône, il tend la main à la Catalogne révoltée.

— La Catalogne se révolte aussi ! Le roi Philippe IV n’a donc plus pour premier ministre le Comte-duc ?