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« Monseigneur,

« Le bon plaisir de Sa Majesté est que les pères Barré et Mignon soient remplacés dans leurs cures, et envoyés dans le plus court délai dans la ville de Lyon, ainsi que le père Lactance, capucin, pour y être traduits devant un tribunal spécial, comme prévenus de quelques criminelles intentions envers l’État. »


Joseph écrivait aussi froidement qu’un Turc fait tomber une tête au geste de son maître.

Le Cardinal lui dit en signant la lettre :

— Je vous ferai savoir comment je veux qu’ils disparaissent ; car il est important d’effacer toutes les traces de cet ancien procès. La Providence m’a bien servi en enlevant tous ces hommes ; j’achève son ouvrage. Voici tout ce qu’en saura la postérité.

Et il lut au capucin cette page de ses Mémoires où il raconte la possession et les sortiléges du magicien[1].

Pendant sa lente lecture, Joseph ne pouvait s’empêcher de regarder l’horloge.

— Il te tarde d’en venir à M. le Grand, dit enfin le Cardinal ; eh bien, pour te faire plaisir, passons-y. Tu crois donc que je n’ai pas mes raisons pour être tranquille ? Tu crois que j’ai laissé aller ces pauvres conspirateurs trop loin ? Non. Voici de petits papiers qui te rassureraient si tu les connaissais. D’abord, dans ce rouleau de bois creux est le traité avec l’Espagne, saisi à Oloron. Je suis très-satisfait de Laubardemont : c’est un habile homme !

Le feu d’une féroce jalousie brilla sous les épais sourcils de Joseph.

  1. Voyez les Mémoires de Richelieu, (Collection des Mémoires, t. XXVIII, p. 139).