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Puis, se tournant vers le prince Palatin :

— Nous vous avons vu passer, prince ; chez qui donc alliez-vous ?

— Chez Mlle la duchesse de Rohan, répondit le Polonais.

L’insinuant Mazarin, qui profitait de tout pour chercher à deviner les secrets et à se rendre nécessaire par des confidences arrachées, dit en s’approchant de la Reine :

— Cela vient à propos quand nous parlions de la couronne de Pologne.

Marie, qui écoutait, ne put soutenir ce mot devant elle, et dit à Mme de Guémenée, qui était à ses côtés :

— Est-ce que M. de Chabot est roi de Pologne ?

La Reine entendit ce mot, et se réjouit de ce léger mouvement d’orgueil. Pour en développer le germe, elle affecta une attention approbative pour la conversation qui suivit et qu’elle encourageait.

La princesse de Guémenée se récriait :

— Conçoit-on un semblable mariage ? on ne peut le lui ôter de la tête. Enfin, cette même Mlle de Rohan, que nous vîmes toutes si fière, après avoir refusé le comte de Soissons, le duc de Weymar et le duc de Nemours, n’épouser qu’un gentilhomme ! cela fait pitié, en vérité ! Où allons-nous ? on ne sait ce que cela deviendra.

Mazarin ajoutait d’un ton équivoque :

— Eh quoi ! est-ce bien vrai ? aimer ! à la cour ! un amour véritable, profond ! cela peut-il se croire ?

Pendant ceci, la Reine continuait à fermer et rouvrir, en jouant, la nouvelle couronne.

— Les diamants ne vont bien qu’aux cheveux noirs, dit-elle ; voyons, donnez votre front, Marie… Mais elle va à ravir, continua-t-elle.

— On la croirait faite pour madame la princesse, dit le Cardinal.