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— Je vous ai priée, Marie, de me laisser parler. Je sais qu’il est généreux et loyal ; je veux croire que, contre l’usage de notre temps, il ait assez de modération pour ne pas aller jusque-là, et le tuer froidement, comme le chevalier de Guise a tué le vieux baron de Luz, dans la rue. Mais sera-t-il le maître de l’empêcher s’il le fait prendre à force ouverte ? C’est ce que nous ne pouvons savoir plus que lui ! Dieu seul sait l’avenir. Du moins est-il sûr que pour vous il l’attaque, et, pour le renverser, prépare la guerre civile, qui éclate peut-être à l’heure même où nous parlons, une guerre sans succès ! De quelque manière qu’elle tourne, il ne peut réussir qu’à faire du mal, car Monsieur va abandonner la conjuration.

— Quoi ! Madame…

— Écoutez-moi, vous dis-je, j’en suis certaine, je n’ai pas besoin de m’expliquer davantage. Que fera le grand Écuyer ? Le Roi, il l’a bien jugé, est allé consulter le Cardinal. Le consulter, c’est lui céder ; mais le traité d’Espagne a été signé : s’il est découvert, que fera seul M. de Cinq-Mars ? Ne tremblez pas ainsi, nous le sauverons, nous sauverons ses jours, je vous le promets ; il en est temps… j’espère…

— Ah ! Madame ! vous espérez ! je suis perdue ! s’écria Marie affaiblie et s’évanouissant à moitié.

— Asseyons-nous, dit la Reine.

Et, se plaçant près de Marie, à l’entrée de la chambre, elle poursuivit :

— Sans doute Monsieur traitera pour tous les conjurés en traitant pour lui, mais l’exil sera leur moindre peine, l’exil perpétuel. Voilà donc la duchesse de Nevers et de Mantoue, la princesse Marie de Gonzague, femme de M. Henry d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, exilé !

— Eh bien, Madame ! je le suivrai dans l’exil : c’est