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— Vous avez raison, dit son compagnon en s’arrêtant sur une pointe de roc.

Et, restant suspendu au milieu de la pente, il lui donna un rouleau de bois creux.

Un coup de fusil partit, et une balle vint s’enterrer en sifflant et en frissonnant dans la neige à leurs pieds.

— Averti ! dit le premier. Roulez en bas ; si vous n’êtes pas mort, vous suivrez la route. À gauche du Gave est Sainte-Marie ; mais tournez à droite, traversez Oloron, et vous êtes sur le chemin de Pau et sauvé. Allons, roulez !

En parlant, il poussa son camarade, et, sans daigner le regarder, ne voulant ni monter ni descendre, se mit à suivre horizontalement le front du mont, en s’accrochant aux pierres, aux branches, aux plantes même, avec une adresse de chat sauvage, et bientôt se trouva sur un tertre solide, devant une petite case de planches à jour, à travers lesquelles on voyait une lumière. L’aventurier tourna tout autour comme un loup affamé autour d’un parc, et, appliquant son œil à l’une des ouvertures, vit des choses qui le décidèrent apparemment, car, sans hésiter, il poussa la porte chancelante, que ne fermait pas même un faible loquet. La case entière s’ébranla au coup de poing qu’il avait donné ; il vit alors qu’elle était divisée en deux cellules par une cloison. Un grand flambeau de cire jaune éclairait la première ; là, une jeune fille, pâle et d’une effroyable maigreur, était accroupie dans un coin sur la terre humide où coulait la neige fondue sous les planches de la chaumière. Des cheveux noirs, mêlés et couverts de poussière, mais très-longs, tombaient en désordre sur son vêtement de bure brune ; le capuchon rouge des Pyrénées couvrait sa tête et ses épaules ; elle baissait les yeux et filait une petite quenouille attachée à sa ceinture. L’entrée d’un homme ne la troubla pas.