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sortant de l’hôtel de Nevers. Faudra-t-il donc me cacher encore longtemps comme une coupable ? La Reine n’a pas été contente lorsque je le lui ai avoué ; si elle m’en parle encore, ce sera avec son air sévère que vous connaissez, et qui me fait toujours pleurer : j’ai bien peur.

Elle se tut, et Cinq-Mars ne répondit que par un profond soupir.

— Quoi ! vous ne me parlez pas ! dit-elle.

— Sont-ce bien là toutes vos terreurs ? dit Cinq-Mars avec amertume.

— Dois-je en avoir de plus grandes ? Ô mon ami ! de quel ton, avec quelle voix me parlez-vous ! êtes-vous fâché parce que je suis venue trop tard ?

— Trop tôt madame, beaucoup trop tôt, pour les choses que vous devez entendre, car je vous en vois bien éloignée.

Marie, affligée de l’accent sombre et amer de sa voix, se prit à pleurer.

— Hélas ! mon Dieu ! qu’ai-je donc fait, dit-elle, pour que vous m’appeliez madame et me traitiez si durement ?

— Ah ! rassurez-vous, reprit Cinq-Mars, mais toujours avec ironie. En effet, vous n’êtes pas coupable ; mais je le suis, je suis seul à l’être ; ce n’est pas envers vous, mais pour vous.

— Avez-vous donc fait du mal ? Avez-vous ordonné la mort de quelqu’un ? Oh ! non, j’en suis bien sûre, vous êtes si bon !

— Eh quoi ! dit Cinq-Mars, n’êtes-vous pour rien dans mes projets ? ai-je mal compris votre pensée lorsque vous me regardiez chez la Reine ? ne sais-je plus lire dans vos yeux ? le feu qui les animait était-ce un grand amour pour Richelieu ? cette admiration que vous promettiez à celui qui oserait tout dire au Roi, qu’est-elle devenue ? Est-ce un mensonge que tout cela ?