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CHAPITRE XXI

Le confessionnal


C’est pour vous, beauté fatale, que je viens dans ce lieu terrible !
Lewis, Le Moine.


C’était le lendemain de l’assemblée qui avait eu lieu chez Marion de Lorme. Une neige épaisse couvrait les toits de Paris, et fondait dans ses rues et dans ses larges ruisseaux, où elle s’élevait en monceaux grisâtres, sillonnés par les roues de quelques chariots.

Il était huit heures du soir et la nuit était sombre ; la ville du tumulte était silencieuse à cause de l’épais tapis que l’hiver y avait jeté. Il empêchait d’entendre le bruit des roues sur la pierre, et celui des pas du cheval ou de l’homme. Dans une rue étroite qui serpente autour de la vieille église de Saint-Eustache, un homme, enveloppé dans son manteau, se promenait lentement, et cherchait à distinguer si rien ne paraissait au détour de la place ; souvent il s’asseyait sur l’une des bornes de l’église, se mettant à l’abri de la fonte des neiges sous ces statues horizontales de saints qui sortent du toit de ce temple, et s’allongent presque de toute la largeur de la ruelle, comme des oiseaux de proie qui, prêts à s’abattre, ont reployé leurs ailes. Souvent ce vieillard, ouvrant son manteau, frappait ses bras contre sa poitrine en les croisant et les étendant rapidement pour se réchauffer, ou bien soufflait dans ses doigts, que garantissait mal du froid une paire de gants de buffle montant jusqu’au coude. Enfin, il aperçut une petite ombre qui se détachait sur la neige et glissait contre la muraille.