Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/333

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus à la Sorbonne à présent qu’à votre saint Jacques Clément.

On rit, et Cinq-Mars reprit :

— J’ai voulu, messieurs, ne vous rien cacher des projets de Monsieur, de ceux du duc de Bouillon et des miens, parce qu’il est juste qu’un homme qui joue sa vie sache à quel jeu ; mais je vous ai mis sous les yeux les chances les plus malheureuses, et je ne vous ai pas détaillé nos forces, parce qu’il n’est pas un de vous qui n’en sache le secret. Est-ce à vous, messieurs de Montrésor et de Saint-Thibal, que j’apprendrai les richesses que Monsieur met à notre disposition ? Est-ce à vous, monsieur d’Aignan, monsieur de Mouy, que je dirai combien de jeunes gentilshommes ont voulu s’adjoindre à vos compagnies de gens d’armes et de chevau-légers, pour combattre les Cardinalistes ? combien en Touraine et dans l’Auvergne, où sont les terres de la maison d’Effiat, et d’où vont sortir deux mille seigneurs avec leurs vassaux ? Baron de Beauvau, vous ferai-je redire le zèle et la valeur des cuirassiers que vous donnâtes au malheureux comte de Soissons, dont la cause était la nôtre, et que vous vîtes assassiner au milieu de son triomphe par celui qu’il avait vaincu avec vous ? Dirai-je à ces messieurs la joie du Comte-Duc[1] à la nouvelle de nos dispositions, et les lettres du Cardinal-Infant au duc de Bouillon ? Parlerai-je de Paris à l’abbé de Gondi, à d’Entraigues, et à vous, messieurs, qui voyez tous les jours son malheur, son indignation et son besoin d’éclater ? Tandis que tous les royaumes étrangers demandent la paix, que le Cardinal de Richelieu détruit toujours par sa mauvaise foi (comme il l’a fait en rompant le traité de Ratisbonne), tous les ordres de l’État gémissent de ses violences et re-

  1. D’Olivarès, comte-duc de San-Lucar.