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place, baissa la tête, se recueillit, et, relevant bientôt un visage plus calme, continua un discours que l’entrée de son ami avait interrompu :

— Soyez donc des nôtres, messieurs : mais il n’est plus besoin de tant de mystères ; souvenez-vous que lorsqu’un esprit ferme embrasse une idée, il doit la suivre dans toutes ses conséquences. Vos courages vont avoir un plus vaste champ que celui d’une intrigue de cour. Remerciez-moi : en échange d’une conjuration, je vous donne une guerre. M. de Bouillon est parti pour se mettre à la tête de son armée d’Italie ; dans deux jours, et avant le Roi, je quitte Paris pour Perpignan ; venez-y tous, les Royalistes de l’armée nous y attendent.

Ici, il jeta autour de lui des regards confiants et calmes ; il vit des éclairs de joie et d’enthousiasme dans tous les yeux de ceux qui l’entouraient. Avant de laisser gagner son propre cœur par la contagieuse émotion qui précède les grandes entreprises, il voulut s’assurer d’eux encore, et répéta d’un air grave :

— Oui, la guerre, messieurs, songez-y, une guerre ouverte. La Rochelle et la Navarre se préparent au grand réveil de leurs religionnaires, l’armée d’Italie entrera d’un côté, le frère du Roi viendra nous joindre de l’autre : l’homme sera entouré, vaincu, écrasé. Les Parlements marcheront à notre arrière-garde, apportant leur supplique au Roi, arme aussi forte que nos épées ; et, après la victoire, nous nous jetterons aux pieds de Louis XIII, notre maître, pour qu’il nous fasse grâce et nous pardonne de l’avoir délivré d’un ambitieux sanguinaire et de hâter sa résolution.

Ici, regardant autour de lui, il vit encore une assurance croissante dans les regards et l’attitude de ses complices.

— Quoi ! reprit-il, croisant ses bras et contenant encore avec effort sa propre émotion, vous ne reculez pas devant