protecteur au jeune Corneille, qui parlait dans un coin avec un étranger et un adolescent qu’il présentait à la maîtresse de la maison sous le nom de M. Poquelin, fils du valet de chambre tapissier du Roi. L’un était Molière, et l’autre Milton[1].
Avant la lecture que l’on attendait du jeune sybarite, une grande contestation s’éleva entre lui et d’autres poëtes ou prosateurs du temps ; ils parlaient entre eux avec beaucoup de facilité, échangeant de vives répliques, un langage inconcevable pour un honnête homme qui fût tombé tout à coup parmi eux sans être initié, se serrant vivement la main avec d’affectueux compliments et des allusions sans nombre à leurs ouvrages.
— Ah ! vous voilà donc, illustre Baro ! s’écria le nouveau venu ; j’ai lu votre dernier sixain. Ah ! quel sixain ! comme il est poussé dans le galant et le tendre !
— Que dites-vous du Tendre ? interrompit Marion de Lorme. Avez-vous jamais connu ce pays ? Vous vous êtes arrêté au village de Grand-Esprit et à celui de Jolis-Vers, mais vous n’avez pas été plus loin. Si monsieur le gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde veut nous montrer sa nouvelle carte, je vous dirai où vous en êtes.
Scudéry se leva d’un air fanfaron et pédantesque, et, déroulant sur la table une sorte de carte géographique ornée de rubans bleus, il démontra lui-même les lignes d’encre rose qu’il y avait tracées.
— Voici le plus beau morceau de la Clélie, dit-il ; on trouve généralement cette carte fort galante, mais ce n’est qu’un simple enjouement de l’esprit, pour plaire à notre petite cabale littéraire. Cependant, comme il y a d’étranges personnes par le monde, j’appréhende que tous ceux qui
- ↑ Milton passa en cette année même à Paris, en retournant d’Italie en Angleterre. (Voyez Teland’s Life of Milton.)