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jeunesse, étaient placées derrière la Reine, et debout. Dans l’embrasure d’une croisée, Monsieur, le chapeau sous le bras, causait à voix basse avec un homme d’une taille élevée, assez gros, rouge de visage et l’œil fixe et hardi : c’était le duc de Bouillon. Un officier, d’environ vingt-cinq ans, d’une tournure svelte et d’une figure agréable, venait de remettre plusieurs papiers au prince ; le duc de Bouillon paraissait les lui expliquer.

M. de Thou, après avoir salué la Reine, qui lui dit quelques mots, aborda la princesse de Guéménée et lui parla à demi-voix avec une intimité affectueuse, mais pendant cet aparté, attentif à surveiller tout ce qui touchait son ami, et tremblant en secret que sa destinée ne fût confiée à un être moins digne qu’il ne l’eût désiré, il examina la princesse Marie avec cette attention scrupuleuse, cet œil scrutateur d’une mère sur la jeune personne qu’elle choisirait pour compagne de son fils ; car il pensait qu’elle n’était pas étrangère aux entreprises de Cinq-Mars. Il vit avec mécontentement que sa parure, extrêmement brillante, semblait lui donner plus de vanité que cela n’eût dû être pour elle et dans un tel moment. Elle ne cessait de replacer sur son front et d’entremêler avec ses boucles de cheveux les rubis qui paraient sa tête, et n’égalaient pas l’éclat et les couleurs animées de son teint : elle regardait souvent Cinq-Mars, mais c’était plutôt le regard de la coquetterie que celui de l’amour, et souvent ses yeux étaient attirés vers les glaces de la toilette, où elle veillait à la symétrie de sa beauté. Ces observations du conseiller commencèrent à lui persuader qu’il s’était trompé en faisant tomber ses soupçons sur elle, et surtout quand il vit qu’elle semblait éprouver quelque plaisir à s’asseoir près de la Reine, tandis que les duchesses étaient debout derrière elle, et qu’elle les regardait souvent avec hauteur. — Dans ce cœur de dix-