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fauteuil de velours cramoisi à longues franges d’or, restait immobile et grave comme sur un trône, tandis que doña Stephania et Mme de Motteville donnaient de chaque côté quelques coups de peigne fort légers, comme pour achever la coiffure de la Reine, qui était cependant en fort bon état, et déjà entremêlée de perles tressées avec ses cheveux blonds. Sa longue chevelure avait des reflets d’une beauté singulière, qui annonçaient qu’elle devait avoir au toucher la finesse et la douceur de la soie. Le jour tombait sans voile sur son front ; il ne devait point redouter cet éclat, et en jetait un presque égal par sa surprenante blancheur, qu’elle se plaisait à faire briller ainsi ; ses yeux bleus mêlés de vert étaient grands et réguliers, et sa bouche, très-fraîche, avait cette lèvre inférieure des princesses d’Autriche, un peu avancée et fendue légèrement en forme de cerise, que l’on peut remarquer encore dans tous les portraits de cette époque. Il semble que leurs peintres aient pris à tâche d’imiter la bouche de la Reine, pour plaire peut-être aux femmes de sa suite, dont la prétention devait être de lui ressembler. Les vêtements noirs, adoptés alors par la cour et dont la forme fut même fixée par un édit, relevaient encore l’ivoire de ses bras, découverts jusqu’au coude et ornés d’une profusion de dentelles qui sortaient de ses larges manches. De grosses perles pendaient à ses oreilles et un bouquet d’autres perles plus grandes se balançait sur sa poitrine et se rattachait à sa ceinture. Tel était l’aspect de la Reine en ce moment. À ses pieds, sur deux coussins de velours, un enfant de quatre ans jouait avec un petit canon qu’il brisait : c’était le Dauphin, depuis Louis XIV. La duchesse Marie de Mantoue était assise à sa droite sur un tabouret, la princesse de Guéménée, la duchesse de Chevreuse et Mlle de Montbazon, Mlles de Guise, de Rohan et de Vendôme, toutes belles ou brillantes de