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pos ; seulement son regard était vif et sa parole très-brusque.

— Pardon, pardon, mon cher de Thou, si je vous trouble si tôt dans vos occupations ; c’est étonnant, n’est-ce pas de la part d’un goutteux ? Ah ! c’est que le temps s’avance ; il y a deux ans je ne boitais pas ; j’étais au contraire fort ingambe lors de mon voyage en Italie : il est vrai que la peur donne des jambes.

En disant cela, il se jeta au fond d’une croisée, et, faisant signe à de Thou d’y venir lui parler, il continua tout bas :

— Que je vous dise, mon ami, à vous qui êtes dans leurs secrets ; je les ai fiancés il y a quinze jours, comme ils vous l’ont raconté.

— Oui, vraiment ! dit le pauvre de Thou, tombant de Charybde en Scylla dans un autre étonnement.

— Allons, faites donc le surpris ? vous savez bien qui, continua l’abbé. Mais, ma foi, je crains d’avoir eu trop de complaisance pour eux, quoique ces deux enfants soient vraiment intéressants par leur amour. J’ai peur de lui plus que d’elle ; je crois qu’il fait des sottises, d’après l’émeute de ce matin. Nous devrions nous consulter là-dessus.

— Mais, dit de Thou très-gravement, je ne sais pas, d’honneur, ce que vous voulez dire. Qui donc fait des sottises ?

— Allons donc, mon cher ! voulez-vous faire encore le mystérieux avec moi ? C’est injurieux, dit le bonhomme, commençant à se fâcher.

— Non, vraiment ! Mais qui avez-vous fiancé ?

— Encore ! fi donc, monsieur !

— Mais quelle est donc cette émeute de ce matin ?

— Vous vous jouez de moi. Je sors, dit l’abbé en se levant.