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Cependant Richelieu, sans changer de place, mais l’œil ardent et le geste impératif, ne cessait de multiplier les ordres en jetant sur ceux qui les recevaient un regard qui leur faisait entrevoir un arrêt de mort s’ils n’obéissaient pas assez vite.

— Le Roi a culbuté cette cavalerie ; mais les fantassins résistent encore ; nos batteries n’ont fait que tuer et n’ont pas vaincu. Trois régiments d’infanterie en avant, sur-le-champ, Gassion, La Meilleraie et Lesdiguières ! qu’on prenne les colonnes par le flanc. Portez l’ordre au reste de l’armée de ne plus attaquer et de rester sans mouvement sur toute la ligne. Un papier ! que j’écrive moi-même à Schomberg.

Un page mit pied à terre et s’avança tenant un crayon et du papier. Le ministre, soutenu par quatre hommes de sa suite, descendit de cheval péniblement et en jetant quelques cris involontaires que lui arrachaient ses douleurs ; mais il les dompta et s’assit sur l’affût d’un canon ; le page présenta son épaule comme pupitre en s’inclinant, et le Cardinal écrivit à la hâte cet ordre, que les manuscrits contemporains nous ont transmis, et que pourront imiter les diplomates de nos jours, qui sont plus jaloux, à ce qu’il semble, de se tenir parfaitement en équilibre sur la limite de deux pensées que de chercher ces combinaisons qui tranchent les destinées du monde, trouvant le génie trop grossier et trop clair pour prendre sa marche.

« Monsieur le maréchal, ne hasardez rien, et méditez bien avant d’attaquer. Quand on vous mande que le Roi désire que vous ne hasardiez rien, ce n’est pas que Sa Majesté vous défende absolument de combattre, mais son intention n’est pas que vous donniez un combat général, si ce n’était avec une notable espérance de gain pour l’avantage qu’une favorable situation vous pourrait