la main au Duc avec toute la noblesse et la bonté d’un Bourbon. Le Cardinal s’inclina, la baisa avec respect ; et son cœur, qui aurait dû se briser de repentir, ne se remplit que de la joie d’un orgueilleux triomphe.
Le prince touché, lui abandonnant sa main, se retourna avec grâce vers sa cour, et dit d’une voix très-émue :
— Nous nous trompons souvent, messieurs, et surtout pour connaître un aussi grand politique que celui-ci ; il ne nous quittera jamais, j’espère, puisqu’il a un cœur aussi bon que sa tête.
Aussitôt le cardinal de La Valette s’empara du bas du manteau du Roi pour le baiser avec l’ardeur d’un amant, et le jeune Mazarin en fit presque autant au Duc de Richelieu lui-même, prenant un visage rayonnant de joie et d’attendrissement avec l’admirable souplesse italienne. Deux flots d’adulateurs fondirent, l’un sur le Roi, l’autre sur le ministre : le premier groupe, non moins adroit que le second, quoique moins direct, n’adressait au prince que les remercîments que pouvait entendre le ministre, et brûlait aux pieds de l’un l’encens qu’il destinait à l’autre. Pour Richelieu, tout en faisant un signe de tête à droite et donnant un sourire à gauche, il fit deux pas, et se plaça debout à la droite du Roi, comme à sa place naturelle. Un étranger en entrant eût plutôt pensé que le Roi était à sa gauche. — Le maréchal d’Estrées et tous les ambassadeurs, le duc d’Angoulême, le duc d’Halluin (Schomberg), le maréchal de Châtillon et tous les grands officiers de l’armée et de la couronne l’entouraient, et chacun d’eux attendait impatiemment que le compliment des autres fût achevé pour apporter le sien, craignant qu’on ne s’emparât du madrigal flatteur qu’il venait d’improviser, ou de la formule d’adulation qu’il inventait. Pour Fabert, il s’était retiré dans un coin