ses ordres sur le champ de bataille même ; il parla aux officiers qui le suivaient, les appelant par leurs noms, et leur faisant des questions sur le camp.
Ils se rangèrent tous pour laisser approcher le duc d’Angoulême ; ce Valois, après avoir lutté contre Henry IV, se prosternait devant Richelieu. Il sollicitait un commandement qu’il n’avait eu qu’en troisième au siège de la Rochelle. À sa suite parut le jeune Mazarin, toujours souple et insinuant, mais déjà confiant dans sa fortune.
Le duc d’Halluin vint après eux : le Cardinal interrompit les compliments qu’il leur adressait pour lui dire à haute voix :
— Monsieur le duc, je vous annonce avec plaisir que le Roi a créé en votre faveur un office de maréchal de France ; vous signerez Schomberg, n’est-il pas vrai ? À Leucate, délivrée par vous, on le pense ainsi. Mais pardon, voici M. de Montauron qui a sans doute quelque chose d’important à me dire.
— Oh ! mon Dieu, non, monseigneur, je voulais seulement vous dire que ce pauvre jeune homme, que vous avez daigné regarder comme à votre service, meurt de faim.
— Ah ! comment, dans ce moment-ci, me parlez-vous de choses semblables ! Votre petit Corneille ne veut rien faire de bon ; nous n’avons vu que le Cid et les Horaces encore ; qu’il travaille, qu’il travaille, on sait qu’il est à moi, c’est désagréable pour moi-même. Cependant, puisque vous vous y intéressez, je lui ferai une pension de cinq cents écus sur ma cassette.
Et le trésorier de l’épargne se retira, charmé de la libéralité du ministre, et fut chez lui recevoir, avec assez de bonté, la dédicace de Cinna, où le grand Corneille compare son âme à celle d’Auguste, et le remercie d’avoir fait l’aumône à quelques Muses.