Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tous les paquets avant de les fermer de sa propre main.

Il y avait quelques instants qu’il écrivait, lorsqu’il aperçut, dans une glace placée en face de lui, le plus jeune de ses pages traçant quelques lignes interrompues, sur une feuille d’une taille inférieure à celle du papier ministériel ; il se hâtait d’y mettre quelques mots, puis la glissait rapidement sous la grande feuille qu’il était chargé de remplir à son grand regret ; mais, placé derrière le Cardinal, il espérait que sa difficulté à se retourner l’empêcherait de s’apercevoir du petit manège qu’il semblait exercer avec assez d’habitude. Tout à coup, Richelieu, lui adressant la parole sèchement, lui dit :

— Venez ici, monsieur Olivier.

Ces deux mots furent comme un coup de foudre pour ce pauvre enfant, qui paraissait n’avoir que seize ans. Il se leva pourtant très-vite, et vint se placer debout devant le ministre, les bras pendants et la tête baissée.

Les autres pages et les secrétaires ne remuèrent pas plus que des soldats lorsque l’un d’eux tombe frappé d’une balle, tant ils étaient accoutumés à ces sortes d’appels. Celui-ci pourtant s’annonçait d’une manière plus vive que les autres.

— Qu’écrivez-vous là ?

— Monseigneur… ce que votre Éminence me dicte.

— Quoi ?

— Monseigneur… la lettre à don Juan de Bragance.

— Point de détours, monsieur, vous faites autre chose.

— Monseigneur, dit alors le page les larmes aux yeux, c’était un billet à une de mes cousines.

— Voyons-le.

Alors un tremblement universel l’agita, et il fut obligé de s’appuyer sur la cheminée en disant à demi-voix :

— C’est impossible.

— Monsieur le vicomte Olivier d’Entraigues, dit le