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pour lequel j’éprouve quelque sympathie, parce qu’il s’est voué aux travaux historiques — a donné naissance à Pully. Une petite partie de la commune est le port, la plus considérable occupe la hauteur et entoure le vénérable moutier qui, comme le château de Prilly, est devenu pinte ; ce bâtiment vaste, noirâtre, dégradé, eut pour fondatrice la reine filandière Berthe, qui gouvernait le Pays de Vaud, appelé alors la Petite Bourgogne ; — on peut dire que cette benoite princesse laissait tomber le sceptre en quenouille. — Le cabaret villageois a conservé quelques vestiges du couvent : des machicoulis, une tour carrée, un porche sombre, des fenêtres à compartiments et une flèche couverte de plomb.

J’ai vu avec indignation et colère des maçons sur leurs échafaudages occupés à blanchir à la chaux l’antique église dont la façade regarde le lac. En matière d’art la stupidité des ecclésiastiques protestants ne le cède en rien à celle des prêtres catholiques ; les uns et les autres ont un vandalisme plus funeste aux édifices d’autrefois que celui des vandales ; ces messieurs-là se pament d’aise à la vue d’un mur enduit d’ocre ou de bistre, d’un panneau de chêne peint en vert bien cru. Mieux vaut abattre une abbaye séculaire, un château féodal, une chapelle gothique, que de les défigurer outrageusement par des restaurations faites avec l’intelligence qui distingue le clergé de notre temps.