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en doctrine qu’en mœurs : mais comment la pouvez-vous réformer vous qui êtes difformes ? Vous dites que les moines et les prêtres ne sont que paillards, et vous l’êtes. Ils sont joueurs et ivrognes, et vous l’êtes. La haine que vous leur portez provient-elle de contrariété de complexion ? Certes non, mais plutôt de ressemblance. Votre intention est de chasser les prêtres et tout le clergé papiste et de mettre à leur place les ministres de l’Évangile : ce sera un grand bien de soi, mais un grand mal au regard de vous qui n’estimez autre félicité que de jouir de vos plaisirs désordonnés qui vous sont permis par les prêtres. Les ministres vous procureront une réformation par laquelle il faudra punir les vices : ce qui vous fâchera bien. Et après avoir haï les prêtres pour être trop à vous semblables, vous haïrez ceux-ci pour être à vous dissemblables, et ne les aurez gardés deux ans, que vous ne les souhaitiez avec les prêtres, et pour toute récompense de leur peine ne les chassiez arrière de vous[1]. Et pourtant, si vous me croyez, faites de deux choses l’une, à savoir que si vous voulez être toujours difformes, comme vous êtes du présent, ne trouviez étrange que les autres le soient comme vous ; ou, si vous voulez les réformer, montrez-leur le chemin. Ce faisant, envoyez hardiment quérir

  1. Cela ne manqua pas d’arriver, notamment pour Calvin, qui fut obligé de se retirer à Strasbourg, d’où on finit toutefois par le rappeler.