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ces canons et de recevoir en échange un poids pareil de bronze : « Ce faisant, disaient-ils, vous nous ferez plaisir et accomplirez la volonté du défunt. » Le prieur y consentit volontiers, et le duc, contre qui ces pièces d’artillerie devaient être braquées, en éprouva un sensible déplaisir et voua à Bonnivard un vif et durable ressentiment.

Peu de temps après le patriote Pécolat, accusé d’avoir tenu des propos contre l’évêque et d’avoir laissé paraître un projet de l’empoisonner, fut appliqué à la torture, et on lui arracha l’aveu d’un complot qu’il n’avait point formé. Pécolat allait, en conséquence, être envoyé au supplice ; l’archevêque de Vienne seul, en sa qualité de métropolitain de l’évêque de Genève, pouvait casser la sentence, mais il fallait lui présenter une requête et personne n’osait se charger de cette périlleuse mission... Bonnivard s’en chargea lui, amena un moine auprès du prélat, et comme ce moine hésitait par crainte, il le menaça d’un poignard, et le placet fut remis...

Après cet acte de courage, le prieur insoucieux et calme rentra à Saint-Victor « où, dit-il, j’avais bien telle juvenise et folle arrogance, que je ne craignais ni Dieu, ni évêque, et Dieu m’y donna (je crois, parce que c’était juste folie) telle fortune qu’ils ne me firent aussi rien. »

Ces faits peignent notre prieur hardi, entreprenant,