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trouve ailleurs : « Nous mangeons des gélinottes, des coqs de bruyère, des truites de vingt livres..... Ne sommes-nous pas fort à plaindre ? »

Il me paraît difficile de se livrer, sans estomac, au plaisir de la bonne chère.

Nouvelle contradiction. Et de deux !

Dans une lettre à d’Alembert, il s’écrie, plein d’un ravissement extatique tout-à-fait insolite chez l’homme bien plus enclin par tempérament et par habitude à la causticité incisive, à la raillerie mordante qu’à la contemplation enthousiaste : « Que tout me fait aimer mon lac et que je sens mon bonheur dans toute son étendue ! » Cette observation de M. Olivier me paraît profondément juste : « ..... À Lausanne, il (Voltaire) n’a pas de l’esprit seulement, de l’amabilité, de la malignité, du badinage, mais une sorte de bien-être et de joie plus franche..... » Le bonheur rend expansif et combat les mauvaises influences de l’esprit et du penchant ; Voltaire dut à cette ville ses jours les plus heureux. L’auteur vaudois que je viens de citer a pris cet aveu pour épigraphe.

Une société choisie entourait le grand homme, et il imagina de faire représenter ses tragédies sur un théâtre établi dans la campagne de Monrepos, qui appartenait au marquis de Langalerie. Il distribua les rôles aux personnes les plus intelligentes, et présida aux répétitions : l’historien Gibbon, un des spectateurs, avoue qu’il fut