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saient aussi dans l’Océan de l’infini, de l’incommensurable !

Ce que j’éprouvais n’a pas de nom ; mon imagination galopait la bride sur le cou, par moment, à travers le domaine sans borne et sans forme arrêtée des choses fantastiques.

Alors je me réjouis de mes mésaventures et j’en remerciai le ciel ; sans elles je n’aurais pas traversé le lac la nuit, par un gros temps, sous un ciel sinistre, dans une grande embarcation de pêcheur savoyard.

À quelque chose malheur est bon.

Il ne faut jamais se presser trop de maudire le destin.


Onze heures venaient de sonner quand nous prîmes terre à Nyon, en pays civilisé.

Autre embarras :

Il n’y avait pas un chat dans les rues, pas une lumière aux fenêtres, ce fut vainement que nous allâmes à la porte de plusieurs hôtels ; personne ne nous entendait ou ne voulait sauter à bas du lit.

Enfin la maîtresse de l’auberge de la Navigation, qui était sur le point de se mettre entre deux draps et de coiffer sa chandelle d’un éteignoir, voulut bien me recevoir quand nous eûmes parlementé avec elle par un trou de serrure.

Je fis boire une bouteille de vin à mes rameurs, et je