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l’oraison, à la méditation, à des pratiques prescrites par la règle... Tu me répliqueras qu’il prie pour ses frères ; mieux vaudrait que comprenant les obligations humaines, la volonté de Dieu, le vœu de la nature, le but de la société, il se rendît réellement utile à ses semblables en s’adonnant à un art, à une profession, à une industrie, à un métier.

Il y a eu pourtant des moines purs, instruits, laborieux, sobres, continents, — mais l’espèce fut bientôt perdue : — les uns défrichaient les landes et les forêts, desséchaient les marécages, propageaient le christianisme et le goût de l’agriculture, préparaient la civilisation ; les autres nous conservaient les trésors poétiques et historiques de l’antiquité, écrivaient les faits de leur temps, se livraient à de patientes et profondes recherches, à de savants commentaires ; d’autres enfin se vouaient au rachat des prisonniers... Mais c’étaient là des ordres exceptionnels au milieu de mille congrégations mendiantes, fainéantes, ignorantes, avides des biens temporels sous une grande affectation de désintéressement, formées d’hommes orgueilleux sous une apparence d’humilité, satisfaisant leur sensualité tout en feignant de vivre dans une dure abstinence, riches et criant toujours misère, heureux en réalité, et voulant faire croire qu’ils s’imposaient une existence de misères pour mériter l’éternel bonheur.