tique, — prison militaire, caserne d’infanterie, et qui maintenant sert de bibliothèque provisoire.
Je t’ai dit au moyen d’une citation de Victor Hugo ce que je viens faire en Suisse, je ne te le répéterai pas.
Il sera temps dans six semaines de revoir mon horizon de livres méthodiquement classés et étiquetés, de reprendre mon métier de fossoyeur de l’intelligence humaine : oui nous sommes des fossoyeurs nous autres, nous enterrons dans une vaste fosse commune l’esprit d’autrui et quelquefois le nôtre : une bibliothèque est bien le cimetière de la pensée, la poudre et les vers s’y trouvent comme dans celui où croupit et se décompose la matière, au lieu d’une bêche nous tenons à la main une clef ; les armoires figurent les grandes divisions du champ mortuaire, les rayons, les rangées de tombes, les bières sont de toutes dimensions : en carton, en parchemin, en basane, en veau, en maroquin ; de même dans les charniers du corps il y a une grande variété dans le bois des cercueils, depuis le sapin jusqu’au palissandre, tout est subordonné à la fortune du défunt et au degré d’ostentation de ses héritiers. Nos nécropoles intellectuelles renferment bien des sépultures célèbres, illustres, souvent visitées, objets d’un culte éternel de respect, d’admiration, et dont le contenu, embaumé de gloire, durera toujours ; mais par contre que de morts vulgaires, obscurs, oubliés, inconnus même de nous qui sommes préposés à leur garde !