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Et cela, parce que Genève voulait prier Dieu à sa guise et proscrivait la messe, parce qu’elle entendait se gouverner elle-même et ne pas laisser prendre un pied dans son enceinte au monarque de Turin, qui réclamait le château de l’Île, jadis occupé par les vidames de ses prédécesseurs !

Cette guerre de dévastations, de pillages, d’escarmouches réitérées, d’embuscades, de maraudes, de prises et de reprises de châteaux, entremêlée de trêves déloyalement rompues, d’armistices dérisoires, de traités de paix aussitôt violés que signés, dura environ un siècle.

À la fin le bon droit triompha, les ducs furent obligés de renoncer à leurs injustes prétentions ; le chat ne put dévorer la souris, la souris fut victorieuse. — Grand miracle que l’on n’a pas assez célébré !

Genève comptait tout au plus quinze mille habitants au dix-septième siècle, son territoire ne dépassait pas ses remparts ; livrée pour ainsi dire à ses propres forces, — qui étaient très faibles, si je puis ainsi parler, — abandonnée, la plupart du temps, de ses coreligionnaires de la Suisse et de ses alliés, regardée par les grands États du voisinage comme un foyer de désordre, de turbulence et d’hérésie, hermétiquement bloquée par les possessions de son ennemi éternel, elle tient tête, pendant près de cent ans, à des monarques régnant