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féminin je me garderais bien de prendre pour mari un homme de lettres, parce que la littérature est une profession des plus éventuelles et incertaines, une carrière presque toujours improductive de gloire et d’argent ; qui use vite ceux qui ont la folie de l’embrasser, et qui développe ordinairement les facultés créatrices de l’esprit aux dépens des facultés aimantes du cœur.

Un écrivain absorbé du matin au soir, — et, qui pis est pour sa moitié, du soir au matin, — par ses combinaisons, empilant sans relâche mille matériaux divers pour des livres et des pièces de théâtre dans le chantier encombré de son cerveau, répond souvent avec distraction et impatience aux caresses et aux tendres importunités de sa femme et de ses marmots.

Imprudent ! que viens-je de dire !... Si jamais la fantaisie du mariage s’empare de moi, on pourra fort bien motiver un refus avec mon propre langage, se servir contre moi-même de mes propres arguments ; ainsi donc que cette lettre ne soit jamais communiquée à personne, tu vois quelles pourraient être les conséquences d’une indiscrétion.

Inclinons-nous devant la femme de lettres, — ce mot de nouvelle fabrication a besoin d’être consacré par l’usage, — inclinons-nous profondément quand elle se nomme Staël ou George Sand, noms qu’entoure une éblouissante auréole. — Pour moi, je te déclare avec